Avec l’éclatement de la pandémie de COVID-19 et la directive gouvernementale qui en découle obligeant la fermeture de toutes les entreprises non essentielles au Québec, de nombreux droits et obligations contractuels de droit privé seront touchés. Bien entendu il est actuellement impossible d'affirmer avec une certitude absolue que la pandémie de COVID-19 est un cas de force majeure, la législation québécoise en la matière permet de soutenir la forte probabilité qu’elle en soit considérée comme telle par les tribunaux. De plus, certains événements perturbant du passé peuvent nous fournir des indications sur la façon dont les tribunaux du Québec caractériseront la pandémie de COVID-19. Par exemple, la crise d'Oka de 1990 et la tempête de verglas de 1998 au Québec ont été déterminées par les tribunaux comme des cas de force majeure. Cependant, l'analyse de l'impact sur chaque obligation contractuelle spécifique résultant d'un cas de force majeure doit être effectuée au cas par cas.
Généralement, un contrat de droit privé comprendra une disposition relative à un cas de force majeure par laquelle une partie au contrat peut être déchargée de son incapacité à exécuter une obligation contractuelle résultant directement d'un cas de force majeure, dégageant ainsi sa responsabilité envers son cocontractant. La disposition relative à la force majeure fournira généralement une définition précise de tous les événements constituant un cas de force majeure. Il peut s'agir des actes de guerre, des émeutes, des incendies, des inondations, des tremblements de terre, de la foudre, des explosions, des grèves, des lock-out, des ralentissements, des pénuries prolongées d'approvisionnement en énergie ou une action gouvernementale interdisant ou empêchant une partie de s'acquitter de ses fonctions. Au Québec, la notion de force majeure n'est pas d'ordre public, les parties peuvent donc y renoncer contractuellement. En conséquence, le débiteur de l'obligation restera tenu responsable de l'exécution de son obligation contractuelle malgré la survenance d'un cas de force majeure. De plus, si l'obligation que le débiteur est tenu d'exécuter est une de garantie (légale ou contractuelle), le débiteur ne pourra invoquer un cas de force majeure comme prétexte pour l'inexécution d'une obligation contractuelle.
Dans le cas où un contrat de droit privé ne comporterait pas de disposition traitant d’une force majeure et de son impact potentiel sur les obligations contractuelles des parties, le Code civil du Québec s'appliquera alors. L'article 1470 du Code civil du Québec traite précisément de la force majeure. Il se lit comme suit:
«Toute personne peut se dégager de sa responsabilité pour le préjudice causé à autrui si elle prouve que le préjudice résulte d’une force majeure, à moins qu’elle ne se soit engagée à le réparer. La force majeure est un événement imprévisible et irrésistible; y est assimilée la cause étrangère qui présente ces mêmes caractères.»
Cet article du Code civil du Québec énumère les critères essentiels pour la détermination d’un évènement comme une de force majeure. Premièrement, l’évènement de force majeure doit être imprévisible, dans le sens où le débiteur de l’obligation ne pouvait le prévoir objectivement ou ne pouvait raisonnablement s’attendre à le prévoir. Deuxièmement, l’évènement de force majeure doit être irrésistible, c'est-à-dire qu'il est impossible pour un débiteur raisonnable à prendre des mesures raisonnables pour éviter la survenance de l’évènement de force majeure, et que la force majeure rend absolument impossible l'exécution des obligations du débiteur. Enfin, l’évènement de force majeure doit également être étranger, ce qui signifie qu’il est en dehors des limites de l'action ou du contrôle du débiteur. Un exemple de cause étrangère peut être l'acte d'un tiers sur lequel le débiteur n'a aucun contrôle (par exemple, un arrêt mandaté du gouvernement).
Un cas de force majeure peut suspendre temporairement les obligations contractuelles du débiteur dans le cadre d'un contrat où les obligations sont à exécution successive et que l’impossibilité d’exécution est temporaire (par exemple, un abonnement à un centre de conditionnement physique avec des versements mensuels). En d’autres cas, une inexécution importante du débiteur résultant d’un cas de force majeure peut entraîner la résiliation du contrat dans son entièreté.
Enfin, il est important de noter qu'une partie invoquant la force majeure aura l’obligation d’informer son cocontractant par écrit dès qu'elle a connaissance de l'événement de force majeure, ou dès qu'elle peut raisonnablement le faire. Dans le cas où un contrat contient une disposition relative à la force majeure, il existe généralement un délai et une manière précise par lequel une partie doit informer son cocontractant de son incapacité à exécuter ses obligations en raison d'un cas de force majeure. Ladite partie invocatrice doit également veiller à prendre toutes les mesures raisonnables dans les circonstances pour atténuer tout dommage supplémentaire qui pourrait être causé à la partie cocontractante du fait de la force majeure.
En conclusion, même s'il est probable que les tribunaux du Québec classifieront la pandémie de COVID-19 comme un événement de force majeure, il est important de se rappeler qu’on ne peut pas présumer que la pandémie pourrait être utilisée comme prétexte pour se libérer de toutes obligations contractuelles et de se décharger de toutes responsabilités contractuelles. Chaque obligation contractuelle doit être analysée sur une base individuelle, et le débiteur de l'obligation contractuelle doit contribuer à informer adéquatement son cocontractant et atténuer tous les dommages, si possible.
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